LA DEPECHE DU MIDI
Grand Sud » Toulouse
Publié le 19/02/2000 Sylvie ROUX
Des vêtements taillés pour l'éternité
Toulouse : Rencontre


Ancien moine franciscain, Christophe Blanpain s'est reconverti dans la création de vêtements sacerdotaux. Ses peintures sur tissu sont aussi appréciées dans la mode, pour leurs couleurs et la spiritualité qui s'en dégage.
Au salon «Religio», la vitrine internationale des articles religieux qui s'est tenue ces jours-ci à Paris, Christophe Blanpain, toulousain d'adoption, exposait plusieurs vêtements liturgiques de sa création. Comme une très belle chasuble de prêtre, peinte à la main, baptisée «Le Big Bang de l'Esprit», qui évoque, dit l'artiste, «le mystère de la création du monde. Un univers en fusion».
Toutes les couleurs de la nature se mélangent, dans des dominantes de rouge et de bleu, sur la soie légère comme le souffle de l'esprit... Cette chasuble, destinée à la célébration de la Pentecôte, est le fruit d'une reconversion spectaculaire.
Car avant de se lancer dans la création de tissus, Christophe Blanpain a été religieux. Franciscain pendant 14-ans il a vécu, comme Saint-François d'Assise, près des pauvres et dans le célibat.
Mais il y a trois ans, à peine arrivé à Toulouse, il a demandé à être relevé de ses vœux.
«La rencontre avec une femme a été le déclencheur, j'ai dû faire des choix en rapport avec ce que je ressentais», raconte pudiquement ce bel homme de 42-ans, installé aujourd'hui dans un petit appartement du côté du Grand Rond. Ce retour à la vie «normale» n'a pas été si facile.
«Sortant de toutes ces années de vie communautaire, j'ai dû tout recommencer à zéro». Aidé par la Maison des chômeurs, Christophe Blanpain a suivi une formation qui l'aide à concrétiser ses projets.
Christophe Blanpain est d'abord un coloriste. Il aime les matières et les couleurs, qui sont pour lui l'expression d'une énergie intérieure, d'émotions profondes et spirituelles puisées dans les textes liturgiques qu'il connaît très bien.
Comme les vibrants dégradés de cette étole inspirée, dit-il, par la nuit mystique de Saint Jean. Les Sœurs Bénédictines d'Anvers qui réalisent pour lui de précieux tissages éclairés de fils d'or, dignes d'un grand couturier, le suivent dans cet amour des belles matières.
«Comme beaucoup de gens, j'ai été très amusé par le défilé de mode papale complètement foldingue de «Roma» de Fellini. Mes ambitions ne vont pas jusque là ! Mais je crois qu'on peut faire évoluer le vêtement sacré vers quelque chose de beau, pas forcément sophistiqué, mais en accord avec la spiritualité. Le mot chasuble vient de «casula» en latin qui veut dire maison.
Le vêtement liturgique représente la maison de Dieu, il a pour fonction d'inviter le peuple à entrer dans le mystère célébré».
Bien que passant parfois pour un doux-dingue aux yeux du clergé, Christophe Blanpain a déjà vendu quelques-unes des ses pièces. Mgr Marchand, évêque de Valence «a flashé» comme il dit, sur une chasuble en toile de jute teinte en violet, dont il a admiré la texture rustique, proche de l'idée du Carême.
A Toulouse, l'Aumônier des artistes lui a commandé une tenue évoquant le mystère de Pâques, dans les couleurs du printemps. Encore inconnu, Christophe Blanpain a été sélectionné, aux côtés de
  Jean-Charles d Jean e Castelbajac,  pour une exposition, «100 créations pour l'Eglise». On a vu ses chasubles au musée Paul Dupuy, au centre culturel Saint-Jérôme... Ses peintures sur tissu intéressent aussi les créateurs de mode. Comme Agnès B qui vient de lui acheter deux batiks d'inspiration africaine.
Bien dans ses baskets, Christophe n'a pas peur d'aller frapper à la porte des couturiers et des soyeux de Lyon, ses échantillons sous le bras.
«Les choses arrivent quand elles doivent arriver», dit-il. La foi, qui ne l'a jamais quitté, lui donne des ailes.